Hieronimus BOSCH et la Licorne

 


Le peintre Jérôme BOSCH (+ aout 1516) est né dans le Brabant néerlandais à s'Hertogenbosch (Bois le Duc) entre 1450 et 1460, son surnom vient de cette ville, les italiens le connaissent sous le nom de Bosco di Bolduc.  On le connaissait à l'époque sous le nom de Van Aken car sa famille était originaire de Aachen (Aix la Chapelle). Son père Antonius était peintre et executait des commandes de sujets bibliques.

Son style et ses personnages n'ont pas, semble-t-il, de précédent, il influencera les toiles des Brueghel et constiuera un repère pour toute la peinture après lui. Des commandes lui vinrent de clients prestigieux, comme Philippe le Beau, souverain des Pays-Bas. Les visions fantasmagoriques, allégoriques, démoniaques qu'il nous présente sont mélées des observations de la société de son temps et d'éléments empruntés à l'alchimie, de bribes de savoir venant d'Egypte via les grecs et les arabes ou des gravures figurant les épisodes bibliques en ces contrées.

Réputé pour les démons fantastiques ou les créatures angéliques qu'il représente, il frappa l'imaginaire de son temps comme il le fait toujours aujourd'hui. Son oeuvre la plus connue est le triptyque du Jardin des délices. Parmi les créatures y figurant, la licorne se trouve en bonne place, car elle est présente trois fois comme licorne terrestre. Représentations discrètes si l'on considére le foisonnement des créatures des trois panneaux, elles ne sont pas moins significatives et essentielles pour expliquer le tableau. Rappellons tout d'abord que la licorne est le symbole du christ, comme nomément indiqué dans plusieurs passages de la bible.

 

licboschico2.jpg (26453 octets)

La licorne était connue de par les textes grecs antiques. Dans un passsage du Physiologus traduit par M. Freeman la licorne est décrite au bord d'un lac dans lequel les animaux viennent boire. "Mais avant qu'ils ne soient rassemblés, le serpent vient et lance son poison dans l'eau. Alors les animaux remarquent bien le poison et n'osent pas boire, attendant la licorne. Elle vient aussitôt vers le lac et, faisant le signe de croix avec sa corne, elle détruit le poison". Ce texte est réellement fondateur de la légende de la licorne au moyen-age.  Sur le panneau gauche du triptyque, l'animal totem du diable ayant commis son forfait remonte sur l'arbre de la connaissance à droite du lac.

 

Sur ce même panneau décrivant la création avant le péché originel, un étang d'eaux noires figure au premier plan, au pieds d'Eve. Celui-ci contient une licorne noire, que C. Prost appelle fausse licorne car elle ne purifiera pas ces eaux. Les eaux, élément symbolique de notre inconscient, des choses cachées, du mystère et de toutes phobies, sont connues à l'époque comme repaire possible du malin ou de ses miasmes. Le lac central du panneau ou figure une "fontaine aux chardons" abrite ces créatures sortant de l'eau pour se réfugier dans le giron du tentateur, l'entrée noire d'une caverne. La puissance de la licorne trempant sa corne un peu en aval les chasse. Les eaux symbolisent notre monde depuis la chûte, c'est le sujet du panneau central. licboschnico.jpg (18311 octets)

 

Quelle agitation et quel fourmillement de créatures dans ce panneau central! Jérôme Bosch faisait partie d'une confrérie religieuse, celle de Notre Dame, et il ne passait pas, semble-t-il, pour un libertin. Et pourtant... Représentation de nos passions humaines, essentiellement celles liées au sexe, elle est remplie de fruits rouges (cerises, fraises, framboises, baies diverses) qui sont cueillis, brandis, utilisés, servant de contenants ou d'abris à moins que ce ne soient d'abîmes. D'autres contenants divers abritent des hommes ou des couples, des animaux et des plantes. Beaucoup d'éléments saillants de toutes nature (épines, hampes, cornes, becs) sont disséminés et parfois utilisés à des fins incongrues. Des tubes de cristal traversent la roche. Et si cela ne suffisait pas, la présence d'attitudes suggestives les plus variées est sans équivoque. C'est bien le péché de chair qui a mené l'homme en ce monde, et c'est bien le sexe qui le conduit toujours. Mais en ce monde l'angélique cotoye le démoniaque et le christ est présent, bien discrétement, grâce à la licorne. Ici se pose la question de savoir si Bosch et ses contemporains mesuraient l'ambivalence du symbole (corne = phallus; corne = purification), selon certains auteurs, il semble que oui. En tous cas les deux licornes du panneau central participent aux bacchanales effrennées.

 

 

licboshico.jpg (14281 octets) Toutes deux font partie de la ronde des hommes chevauchant autour de l'étang des femmes.  La première fait partie du dernier groupe de gauche entrant dans la ronde. L'animal semble être composite du chevreau et de la biche. Il a les sabots fourchus, sa robe comme sa corne sont blanches, on peut noter la présence d'une barbiche. Ses oreilles dressées sont plus longues que celles d'un ane, on peut les comparer car l'ane est présent dans le groupe. Cette licorne porte deux cerises sur sa corne unique, ce qui semble indiquer la nature phallique de son appendice frontal.

 

La seconde licorne du panneau central est figurée à droite de la ronde, en avant dernière position avant son interruption. Elle constitue à mes yeux un mystère :  Le corps est plutôt celui d'un equidé, blanc comme la corne, il est difficile de dire si les sabots sont fourchus, sa queue est différente de celle des chevaux. Elle est cependant plus fine et élancée que les chevaux figurant dans le cercle, cependant elle ne porte point de barbiche. Sa corne est flamboyante, comme barbelée.  Est-elle hérissée d'épines ou luit-elle comme le feu de Saint Elme ? Est-elle en glace ou en cristal ? Comme la cueillette des fruits, la cavalcade était à cette époque un symbole érotique fort. Cette ronde de cavaliers constitue bien un catalogue de tous les fantasmes erotiques du moyen-âge, et cette licorne en fait partie. licboschico3.jpg (17124 octets)

Recherche documentaire, réalisation: François Becuwe

Si vous aimez la peinture de H. Bosch, ne manquez pas l'exposition qui lui est consacrée au Museum Boijmans Van Beuningen de Rotterdam, jusqu'au 11 novembre 2001. Et visitez l'excelent site web: http://www.boschuniverse.org, exhaustif et superbe.

 

La licorne introduction
Licorne animal mythique
La Dame à la licorne
Licorne, animal fantastique
Licorne héraldique
La licorne des mers
La page des dragons
Retour Rubriques
Liens